Venezuela : comment se gère le Covid-19 dans une ville à la frontière avec la Colombie ?

Le Venezuela a pris les premières mesures de quarantaine dès le 13 mars et a fini par fermer ses frontières dès le 16 mars. Le contexte politique et économique d’arrivée de la pandémie nécessitait des mesures fortes. L’effet de l’embargo des Etats-Unis, la chute vertigineuse du prix du pétrol et les sanctions économiques induisent depuis de nombreuses années d’énormes difficultés d’approvisionnement en médicaments, matériel médical, équipements de tout type. Si le pays ne réagissait pas rapidement, cela aurait été une catastrophe humanitaire. Actuellement, avec toutes les mesures préventives prises par le gouvernement et l’aide apportée par d’autres pays (Cuba, Chine, Russie), le pays compte à la date du 2 mai 335 cas Covid +, 148 guéris et 10 décès (pour une population totale de 31 689 176 hab.). Si l’on compare avec un pays voisin comme la Colombie (49 084 841 hab.) où il y 7006 cas confirmés, 1551 guéris et 314 décès, la république bolivarienne s’en sort relativement bien. La gestion de la pandémie semble tellement efficace que l’ONU demande au Venezuela l’autorisation d’étudier sa « stratégie de suppression » pour la reproduire dans d’autres pays selon une déclaration du 30 avril de la vice-présidente Delcy Rodriguez.

Pendant que tout le pays applique les mesures de quarantaine, des villes frontières comme Guasdualito sont confrontées au retour de milliers de Vénézuéliens depuis le début de la pandémie. Ce sont principalement des Vénézuéliens immigrés à l’étranger pour des raisons économiques. Avec l’arrivée de ce virus et toutes les mesures prises par les différents Etats de la région, la situation de ces immigrés s’est terriblement détériorée. Par exemple en Colombie, la plupart des migrants vénézuéliens paient pour la nourriture et l’hébergement avec tout ce qu’ils peuvent gagner au jour le jour. COVID-19 rend cela impossible actuellement et probablement pendant un long moment.

Ayant perdu leurs moyens de subsistance, ne pouvant plus se nourrir ou se loger, ni leurs familles, des milliers de migrants ont décidé de retourner au Venezuela. Beaucoup se sont retrouvés, sans travail, sans revenu, mis à la porte de leur logement et nulle part où aller. Certains témoignent de mauvais traitements subis et discriminations liés à leur statut « d’étranger ». De plus, l’accès aux soins de santé est compliqué pour les personnes qui n’ont pas un statut légale, alors ils décident de rentrer ( à ce jour cela représente plus de 20 000 personnes). En effet, l’Etat Vénézuélien leur offre une garantie d’obtenir des soins gratuitement si nécessaire et c’est ainsi que les villes comme Guasdalito se sont organisées pour les accueillir dans les meilleures conditions possibles.

Guasdualito est une ville de l’état d’Apure à 900 km dans le sud de Caracas, à la frontière avec la ville d’Arauco en Colombie. Cette ville compte plus ou moins 130 000 habitants et elle est connue pour faire beaucoup de commerce avec le pays voisin. Comme dans beaucoup de ville du pays, elle compte une organisation populaire solide qui s’est créée au fil des années de difficultés économiques. C’est sans doute ce qui permet aux habitants d’affronter avec un calme relatif la crise. En effet, à peine a été déclaré l’état d’urgence qu’un « organe de défense intégral » (ODDI) s’est constitué (composé de la société civile et d’autorités politiques) pour organiser et coordonner les différentes actions de solidarité et toute la logistique nécessaire pour gérer la crise. C’est par ailleurs ce même organe qui gère le retour, à ce jour, de presque 7000 vénézuéliens ce qui n’est pas une mince affaire quand on sait toutes les difficultés actuelles rencontrées par tous les états pour gérer la pandémie.

Depuis le 4 avril, c’est entre 80 et 400 personnes qui sont accueillies chaque jour sur le pont international José Antonio Paez par le maire de la ville, Jose Maria Romero, la Force Armée Nationale Bolivarienne (FANB), la Guarde Nationale et une équipe de santé. Toutes ces personnes, à leur arrivée, passent un test rapide de dépistage réalisé par un travailleur de l’équipe de santé (renforcée par des médecins cubains). Les personnes « suspectes » sont mises en quarantaine jusqu’à que se réalise un nouveau testing. Mais à ce jour, aucun test après la quarantaine ne s’est avéré positif. Pendant toute cette procédure de dépistage, ces gens sont hébergés dans des espaces de logement appelé « poste de soins sociaux intégrales » (PASI). C’est un endroit de transit où ils reçoivent tous les soins médicaux nécessaires, de l’alimentation, un endroit où dormir et faire ses soins d’hygiène. Cette prise en charge est particulièrement interpellante d’humanité si on la compare à la prise en charge des populations migrantes à travers le monde et notamment en Belgique dans nos centres fermés !

La ville de Guasdalito compte sur l’aide financière et matériel du gouvernement pour accueillir ces vénézuéliens de retour dans leur pays mais aussi sur la solidarité d’organisations populaires locales comme la RePAS (réseau populaire d’aide solidaire). Ce sont principalement des femmes sensibles au sort de leurs compatriotes qui s’organisent pour, entre autre, fournir quotidiennement de l’alimentation aux familles les plus vulnérables (+/- 300 familles). Le Maire de la ville dit d’ailleurs ceci: «  Ici à Paez, dans tout ce qu’on fait, c’est la participation de la population la clé. Depuis toujours, notre travail communal a été marqué par les difficultés. Sans l’autogestion, la participation de la population et la cogestion, nous n’aurions pas pu faire tout ce que nous avons réalisé. Actuellement, pour affronter la pandémie, nous continuons à travailler sur cette même ligne ».

Si l’on compare la gestion de la pandémie au Vénézuela par rapport à d’autres pays de la région, on se rend compte que leur stratégie de faire un maximum de prévention et de compter sur la participation de la communauté se montre efficace jusqu’à aujourd’hui. Il est également évident que l’aide internationale de pays comme Cuba, qui a exporté ses médecins mais aussi son organisation de soins, montre toute son efficacité en cette période de lutte contre le coronavirus et l’importance de la solidarité entre les peuples.

Sources:
-https://www.npr.org/2020/04/28/846945447/thousands-of-migrants-head-back-to-venezuela-to-flee-colombias-covid-19-lockdown?t=1588669724448
-http://www.crbz.org/tag/apure/
-https://www.pressenza.com/fr/2020/05/lonu-demande-au-venezuela-lautorisation-detudier-sa-strategie-de-suppression-de-la-pandemie-pour-la-reproduire-dans-dautres-pays/
-https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/280420/venezuela-pas-d-impact-des-sanctions-europeennes-sur-l-aide-medicale-affirme-l-ue-l-onu?onglet=full
-https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/04/20/covid-19-le-modele-venezuelien-occulte-par-les-medias/

Article par Andrea C.

Venezuela : comment se gère le Covid-19 dans une ville à la frontière avec la Colombie ?
Retour en haut