A l’attention des Parlementaires bruxellois
Bruxelles, le 14 décembre 2023
Objet : la ratification de l’Accord de commerce UE-Colombie-Pérou-Equateur
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Nous avons appris tardivement que vous envisagez de donner cette semaine votre assentiment à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) d’une part, et la Colombie, le Pérou et l’Equateur, d’autre part.
Nous regrettons que ce vote ait lieu sans aucun débat préalable, ni audition des organisations de la société civile concernant cet accord, et nous vous demandons, par cohérence avec les objectifs déclarés de l’UE et de la Belgique, et conformément à l’accord de majorité 2019-2024, de rejeter ce texte, ou tout au moins d’en reporter l’approbation. L’expérience montre que de demander à la Commission européenne de réformer le texte après sa ratification est illusoire.
Ratifier ce texte juste avant la Présidence belge de l’UE enverrait un signal désastreux du point de vue de la lutte contre le changement climatique, pour le développement durable, pour les droits humains et les droits du travail, pour la démocratie et pour la paix.
S’il y a quelques années, les parlementaires de différentes autres assemblées qui ont donné leur assentiment à cet accord avant vous ont pu croire aux promesses de la Commission européenne, ce n’est plus possible aujourd’hui, puisque son application provisoire depuis plus de 10 ans, -y compris la clause des droits humains-, est un livre ouvert qui vous permet de constater ses effets. Ils sont certes bénéfiques pour les multinationales, mais néfastes pour les petits producteurs, pour le développement durable et en termes de gouvernance.
L’état des lieux de l’application provisoire montre d’abord que la clause démocratique est une simple décoration insérée par la Commission pour convaincre les députés de ratifier, mais qui est totalement inopérante.
Au Pérou, le président élu démocratiquement par les majorités indigènes et paysannes a été démis de manière fulgurante et croupit en prison sans procès. Lors des protestations contre ce coup d’État, plus de 70 manifestants ont été assassinés et des centaines d’entre eux ont été blessés ou emprisonnés.
Face à cette répression et au coup d’État, la Commission n’a pas activé la clause démocratique. En Colombie, les gouvernements antérieurs à celui du président Gustavo Petro ont procédé pendant des années à des violations massives des droits humains. La Commission de la Vérité a récemment conclu qu’au moins 6 402 civils ont été assassinés par l’armée pour les faire faussement passer comme “guérilleros tués en combat”. Plus de 121 000 civils ont été victimes de disparitions forcées.
La Commission n’a jamais activé la clause des droits humains pour tenter de freiner ces violations très massives des droits humains.
Les libéralisations ont renforcé le pouvoir des gros propriétaires et des multinationales. Dans les trois pays concernés, Colombie, Pérou et Equateur, l’accord a accéléré l’expropriation des terres dont sont victimes les populations indigènes et les paysans.
Comme prévu, l’accord a affaibli l’effort d’industrialisation dans ces trois pays et renforcé leur primarisation, provoquant d’importantes pertes d’emplois, comme le dénoncent les syndicats colombiens qui ont unanimement condamné cet accord, qui fragilise l’application des normes fondamentales du travail et l’agenda du travail décent en général.
Au cours de ces années, l’accord et ses clauses de libéralisation des services financiers ont accéléré les exploitations minières débridées. Ils ont notamment facilité l’exportation de charbon provenant des mines exploitées à ciel ouvert qui sont un scandale du point de vue du réchauffement climatique et la pollution, mais aussi du point de vue de l’environnement local car elles altèrent les cours d’eau et la survie de populations indigènes et paysannes.
Ce ne sont ici que quelques exemples que nous pourrions étayer, tout comme peuvent le faire les nombreuses organisations de solidarité internationale et de défense des droits humains, ainsi que les syndicats quasi unanimement opposées à cet accord.
C’est pourquoi nous vous demandons instamment de reporter le vote d’assentiment à une date ultérieure, d’organiser des auditions et débats préalables au vote ou, en cas de mise au vote de rejeter l’accord purement et simplement, afin de ne pas émettre, à la veille de la Présidence belge de l’UE, un signal aussi négatif pour les droits humains et le développement durable. L’adoption d’un protocole qui rende le chapitre développement durable contraignant et assorti de mécanismes effectifs de sanction doit rester une condition sine qua non à la ratification.
Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les parlementaires, l’expression de notre très haute considération.
Arnaud Zacharie
Secrétaire général – CNCD-11.11.11
Naima Charkaoui Directeur Beleid – 11.11.11
Estelle Ceulemans
Secrétaire générale FGTB Bruxelles
Benoît Dassy
Secrétaire régional bruxellois CSC | ACV Gewestsecretaris Brussel
Michaël Dufrane
Secrétaire régional bruxellois ACLVB-CGSLB Gewestsecretaris Brussel