Nouveau gouvernement d’extrême droite israélien : le régime d’apartheid montre son vrai visage.

Les actualités de ces derniers mois  nous rappellent à quel point il est important de se mobiliser pour les palestinien.nes.

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Article de Mehdi Salhi, publié le 24 janvier 2023 sur solidaire.org

Vous avez peut-être déjà entendu dire que Benjamin Netanyahou – un ami proche de Donald Trump – a formé un nouveau gouvernement en Israël. Celui-ci a prêté serment le 29 décembre à la Knesset (Parlement israélien). Nos médias n’en ont pas beaucoup parlé, mais tous les observateurs s’accordent à dire que le leader du parti Likoud est aujourd’hui à la tête du gouvernement « le plus à droite qu’Israël n’ait jamais connu ».

Cela n’a empêché ni le président des États-Unis Joe Biden ni la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen de déclarer avec enthousiasme qu’ils « se réjouissent de renforcer leurs partenariats » avec un gouvernement qui annonce le pire pour le peuple palestinien.

Mais pourquoi ce gouvernement est-il le plus à droite jamais vu ?

Le gouvernement est composé des partis de droite radicale et d’extrême droite israéliens. Le nouveau gouvernement est une coalition de quatre partis. D’abord, nous avons le Likoud de Netanyahou (conservateur), le Shas (ultra-religieux), et deux partis qui constituent le « Bloc sioniste religieux » : Otzma Yehudit (« Pouvoir juif ») d’Itamar Ben-Gvir et le Parti sioniste religieux de Bezalel Smotrich. Avec ce gouvernement, Israël passe également de la 47e place mondiale en termes de représentation des femmes à la 140e place, avec seulement quatre femmes sur un total de 32 ministres. Dans l’index mondial des « États les plus religieux », Israël occupe désormais la deuxième place : après l’Arabie saoudite mais toujours devant l’Iran.

Le Likoud représente l’aile droite traditionnelle de l’échiquier politique israélien et le parti ultra-religieux Shas représente les religieux israéliens conservateurs. Ces deux partis ont déjà été au pouvoir dans des gouvernements auparavant. Cependant, c’est la première fois que les partis sionistes les plus extrémistes accèdent au pouvoir. Ces partis ont non seulement des idées racistes anti-palestiniennes affirmées, mais ils sont aussi résolument homophobes, ils sont favorables à l’annexion des territoires occupés et à l’expansion massive des colonies israéliennes dans ces territoires, et ils veulent même déporter (vers la Jordanie) une grande partie des Palestiniens qu’Israël appelle « Arabes israéliens » – les Palestiniens qui sont citoyens d’Israël et vivent dans le pays même.

Le nouveau gouvernement d’extrême droite veut continuer et renforcer la politique de colonies illégales en Palestine. (Photo Shutterstock)
Cette entrée des extrémistes donne carte blanche à Netanyahou pour radicaliser son discours : « C’est le programme de base de mon gouvernement national : le peuple juif a le droit exclusif et inébranlable à toutes les zones de la Terre d’Israël. Mon gouvernement promouvra et développera des colonies dans toutes les parties de la Terre d’Israël : la Galilée, le Néguev, le Golan, la Judée et la Samarie. »

Un ministre condamné pour racisme et terrorisme

Itamar Ben-Gvir est le leader du parti Otzma Yehudit et devient ministre de la Sécurité nationale dans le nouveau gouvernement. Au départ, c’est un disciple du rabbin extrémiste américano-israélien Meir Kahane. Ce dernier est le fondateur de milices armées telles que Kach et la Ligue de défense juive qui sont des groupuscules d’extrême droite ultra-violents. Ben-Gvir a déjà été condamné pour incitation au racisme et au terrorisme par l’État Israélien. Entre autres, il glorifie Baruch Goldstein, le terroriste américano-israélien qui a assassiné 29 Palestiniens en prière et en a blessé 125 autres dans une mosquée d’Al Khalil (Hébron) en 1994. Il appelle depuis des années à l’expulsion des Palestiniens d’Israël, il a même dirigé, ces dernières années, certaines attaques israéliennes contre les Palestiniens et les occupations de la mosquée Al-Aqsa. Il y a quelques mois, il a été filmé en train de brandir un pistolet tout en incitant ses partisans à terroriser les Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah (Jérusalem-Est). Au début du mois, il a demandé que les journalistes d’Al-Jazeera soient expulsés après que l’organisation de presse a déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale contre Israël pour le meurtre de sa journaliste Shireen Abu Akleh.

Dans le nouveau gouvernement, il s’est vu confier le poste de ministre de la Sécurité nationale, un nouveau ministère créé spécialement pour lui et qui placerait sous son commandement plusieurs services de police et de sécurité israéliens, notamment la police des frontières, qui s’occupe des postes de contrôle pour les Palestiniens et contrôle Jérusalem-Est. Il sera également chargé de gérer le vaste système pénitentiaire.

Un ministre qui veut annexer les territoires illégalement occupés

Bezalel Smotrich, comme Ben-Gvir, vit dans une colonie de Cisjordanie. Le Parti sioniste religieux qu’il a fondé fait de la haine des LGBT+ sa raison d’être. En 2006, par exemple, Smotrich a organisé la « Beast Parade » pour protester contre une Gay Pride à Jérusalem. Smotrich a également appelé ouvertement à l’annexion des territoires occupés. Dans le nouveau gouvernement Netanyahou, outre le ministère des Finances, Smotrich se verra confier un « ministère indépendant » au sein de la défense, avec pour portefeuille la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie, ce qui lui donnera le pouvoir d’interdire la construction de logements palestiniens dans la « zone C » – les 60 % de la Cisjordanie sous le contrôle direct de Tsahal (armée israélienne) – et d’étendre la construction illégale de colonies israéliennes. Comme le « super-ministère » de Ben-Gvir, le poste nouvellement créé de Smotrich a également nécessité un amendement législatif, qui a été voté à la Knesset avant que le gouvernement de coalition ne soit annoncé.

Dans la situation actuelle, où les tensions en Cisjordanie sont très fortes depuis un an, un gouvernement qui inclut des extrémistes comme celui-ci à des postes aussi puissants et influents ne fera qu’envenimer la situation sur le terrain. Israël a tué au moins 160 Palestiniens (dont 30 enfants) en 2022, rien qu’en Cisjordanie – sous le gouvernement « centriste » de Yaïr Lapid et Naftali Bennett – et 49 autres Palestiniens (dont 17 enfants) lors d’un bombardement « préventif » de Gaza en août. Il s’agit de l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005, date à laquelle les Nations unies ont commencé à comptabiliser le nombre de morts.

Saper l’État de droit

Mais ce ne sont pas seulement le racisme, l’homophobie et le mépris du droit international qui font de ce gouvernement un danger pour les gens. Il y aussi une érosion de l’État de droit pour les Israéliens. Benjamin Netanyahou a un certain nombre de procès en cours pour fraude et corruption et Aryeh Deri, chef du parti ultra-orthodoxe Shas et ministre de l’Intérieur dans le nouveau gouvernement, a été condamné à plusieurs reprises pour fraude fiscale. La Knesset a dû voter une dérogation pour lui permettre d’entrer en fonction malgré ces condamnations, qui lui interdisaient d’exercer des fonctions politiques pendant sept ans… Le ministre de la Justice de ce gouvernement, Yariv Levin, du Likoud, a déjà qualifié les affaires judiciaires contre Netanyahou de « coup d’État » et fera tout son possible pour saper autant que possible la séparation des pouvoirs et placer les tribunaux – selon lui « malades » – sous le contrôle de l’exécutif. Bien entendu, il veillera également à ce que les accusations portées contre son Premier ministre soient abandonnées.

Il n’est pas le seul à mépriser l’État de droit : le Likoud et le Bloc sioniste religieux veulent donner à la Knesset la possibilité d’annuler les décisions de la Cour suprême par un vote à la majorité simple. C’est important non seulement pour la légalisation des colonies israéliennes illégales et la déportation des demandeurs d’asile africains, mais aussi, par exemple, pour le droit des entreprises et même des hôpitaux de refuser des clients LGBT+. Ce sont toutes des questions qui ont été bloquées par la Cour suprême, à la grande colère de la droite.

Conflit avec la Jordanie et invasions d’Al-Aqsa

Un autre aspect du programme de ce gouvernement est son intention de changer les règles autour de la mosquée Al-Aqsa. Le site d’Al-Aqsa est un des 3 sites saints majeurs de l’Islam dans le monde et a une haute valeur symbolique pour les musulmans. Itamar Ben-Gvir a dirigé les invasions désormais hebdomadaires de la mosquée par des juifs ultra-religieux et des colons extrémistes. Ces invasions vont à l’encontre des règles convenues par Israël, la Jordanie et l’ONU en 1967, qui stipulent que seuls les musulmans peuvent prier dans le complexe de la mosquée. Le roi de Jordanie est officiellement – et depuis l’époque du mandat britannique sur la Palestine – le protecteur des lieux saints islamistes et chrétiens de Jérusalem. L’actuel roi Abdallah a déjà exprimé son inquiétude à l’égard du nouveau gouvernement et de sa menace pour le statu quo, et a menacé d’agir si « nos lignes rouges sont franchies ». L’un des premiers actes symboliques de Itamar Ben-Gvir, en tant que ministre, a été de se rendre sur l’esplanade des Mosquées. C’est une provocation grave contre la paix.

Aucune réaction et hypocrisie des États-Unis et de l’UE

Le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou ne représente donc pas seulement un grave danger pour les Palestiniens. C’est aussi le coup de grâce à une éventuelle solution à deux États. Ce gouvernement ne fera pas que gratter la dernière couche de vernis « démocratique » du régime d’apartheid, il pourrait provoquer de nouveaux conflits régionaux : avec la Jordanie, avec le Liban ou avec l’Iran, avec lequel on voit un regain de provocations et de discours de plus en plus dangereux de la part d’Israël.

La journaliste israélienne Lily Galili décrit le 37e gouvernement israélien comme « une combinaison dérangée du pire du gouvernement religieux et ultraconservateur de la Pologne qui sape son propre système juridique, et de l’extrême droite homophobe, xénophobe et raciste des États-Unis de Donald Trump, superposée à certains aspects terrifiants de l’Allemagne des années 1930. »

Mais pour les dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne, le soutien à Israël reste une habitude, et à l’Assemblée générale des Nations unies, la plupart des pays occidentaux – avec la Belgique et l’Irlande parmi les quelques exceptions honorables – votent, pour la énième fois, pour ne pas condamner les violations par Israël des droits humains des Palestiniens dans les territoires occupés.

L’Union européenne est toujours autant hypocrite sur Israël. Elle continue de faire des partenariats économiques et militaires avec un État d’extrême droite qui se montre plus agressif que jamais avec les Palestiniens. Ursula von der Leyden a d’ailleurs félicité le gouvernement Netanyahou d’avoir été élu, en osant tweeter ceci : « Nous sommes impatients de travailler au renforcement de notre partenariat, de promouvoir la paix au Moyen-Orient et de faire face aux conséquences créées par la guerre de la Russie contre l’Ukraine. » Cela en dit long sur le camp que choisissent les dirigeants européens.

La résistance palestinienne continue de garder la tête haute

La résistance et la détermination du peuple palestinien nous forcent à nous rappeler que la solidarité envers le peuple palestinien est plus que jamais nécessaire et actuelle. L’élan de solidarité internationale récent autour la Palestine durant la Coupe du monde de football 2022 a renforcé une image positive de la lutte pour les droits des Palestiniens. Cela donne de l’espoir au peuple palestinien qui en a plus que jamais besoin face à un tel gouvernement. Les ONG et les forces solidaires de la Palestine restent déterminés face à l’apartheid. Comme le dit aussi Ahed Tamimi, jeune résistante palestinienne : « Ma génération est celle qui mettra fin à l’occupation. »

Nouveau gouvernement d’extrême droite israélien : le régime d’apartheid montre son vrai visage.
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