Article écrit pas Isabelle Minnon – intal Congo Decolonize.
Le président de la République démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi, a effectué une visite d’Etat en Chine du 24 au 26 mai.
Son déplacement en Chine est le premier depuis le début de son mandat en janvier 2019. Auparavant, son prédécesseur, Joseph Kabila s’y était rendu en 2014. Le président Tshisekedi avait d’abord opté pour des relations politiques privilégiées avec les Etats-Unis, mais face à la réalité urgente du terrain, à savoir la guerre à l’est et le besoin d’une production industrielle, il s’est finalement rendu en Chine. De nombreux observateurs voyaient comme point principal à l’ordre du jour, la renégociation du contrat sino-congolais de 2008 portant sur l’exploitation minière et la construction d’infrastructures publiques en RDCongo. N’en déplaise aux Etats-Unis et aux pays de l’Union européenne, la coopération entre les deux pays en sort renforcée. Trois points cruciaux pour la paix et le développement souverain de la RDCongo ont été discutés : le développement de la chaîne de valeur en vue de la production de batteries en RDCongo pour les voitures électriques, le renforcement du partenariat militaire et la réaffirmation du multilatéralisme. [1] Comme le disait Franz Fanon, figure emblématique de l’anticolonialisme, « l’Afrique est un revolver dont la gâchette se trouve au Congo ». Dès lors un Congo qui deviendrait autonome, industrialisé est opposé à l’appétit féroce des Etats-Unis et des pays de l’Union européenne qui ne lâcheront pas à affaiblir par tous les moyens (médiatique, politique, territorial, aussi économique) la République démocratique du Congo, et par ricochet le continent entier.
Des accords opposés à la volonté des gouvernements occidentaux
Lors de sa visite, le président congolais a rencontré le président chinois, Xi Jinping, ainsi que le premier ministre du Conseil des Affaires d’État, Li Keqiang, et le Président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire Zhao Leji. L’accueil du président Tshisekedi à l’esplanade du grand Palais du peuple de Pékin, ainsi que les différentes rencontres démontrent l’importance de la visite pour les deux pays et le respect mutuel. Beaucoup de commentateurs voyaient principalement dans la visite du président Tshisekedi en Chine, la renégociation du contrat sino-congolais de 2008 conclu sous la présidente de Joseph Kabila. Mais la visite a été bien au-delà de discussions sur la renégociation d’un seul contrat. La coopération entre la RDCongo et la Chine en sort renforcée dans de nombreux domaines : l’éducation, la recherche scientifique, la santé, les infrastructures, les mines, l’agriculture, le numérique, l’environnement, le développement durable, les hydrocarbures, l’énergie, la défense et la sécurité.
L’accent mis avant la visite par certains, sur la renégociation du contrat sino-congolais du 2008, reflète les intérêts des gouvernement occidentaux qui, dès le début du contrat, se sont opposés de manière acharnés avec les institutions financières internationales, à cet accord. L’opposition a été vigoureuse puisque sous la menace du Fonds Monétaire Internationale (dominé par les Etats-Unis) de ne pas voir sa dette allégée, la RDCongo a dû diminué de 3 milliards d’USD l’investissement dans les infrastructures prévus initialement dans le contrat avec pour conséquence de rendre impossible la construction de l’ensemble des infrastructures convenue entre la partie congolaise et la partie chinoise.
Le développement de la chaîne de valeur en RDCongo pour la production de batteries des voitures électriques
Fait marquant et qui contrarie les plans états-uniens, les Chefs de l’Etat ont convenu d’un partenariat dans l’exploitation et la transformation locale des ressources naturelles permettant de donner une plus-value pour un développement autonome et durable de la RDCongo. Premier producteur mondial de cobalt, la République démocratique du Congo est un géant en ressources naturelles qui doit réussir à manœuvrer pour ses propres intérêts et un développement au profit du peuple. La transformation sur place de ses matières premières est enjeu qui avait été aussi exprimé par la Ministre des Mines Antoinette Nsamba Kalambayi, lors du Congrès du Cobalt qui s’est tenu Istanbul, en Turquie, du 9 au 11 mai, parlant de « développer une chaîne de valeur pour la production de batteries pour les véhicules électriques, et cette chaîne devrait être contrôlée depuis l’extraction, la transformation, la fabrication jusqu’à l’assemblage » [2]. En matière de production de cobalt, l’évolution est marquante : le pays a augmenté sa part (production par la société de l’Etat, la Gécamines) en passant de 184 T en 2017 à 19.907 T en 2022, soit elle a atteint environ 18% de la production totale dans le pays [3].
Tenant compte que la RDCongo a signé d’abord un protocole avec la Zambie, puis avec la Zambie et les Etats-Unis sur les minerais stratégiques (donc le cobalt, le coltan, le lithium) en décembre 2022 [4], le partenariat avec la Chine sur l’augmentation de la chaîne de valeur en RDCongo vient contrarier les plans états-uniens, qui l’avaient déjà été avec le partenariat conclu au départ uniquement entre la RDCongo et la Zambie. Après avoir mis la pression, un partenariat tripartite a finalement été adopté.
Le renforcement du partenariat militaire pour le respect de l’intégrité territoriale de la RDCongo
La visite du président a été précédée de celle du Vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères, Christophe Lutundula, qui avait déjà rencontré le 17 mars 2023 en RDCongo, son homologue chinois, le ministre des affaires étrangères Qin Gang. Rappelons qu’au cours de la rencontre en mars 2023, le ministre Lutundula avait sollicité le soutien de la Chine face à l’agression du M23 en demandant des sanctions contre le Rwanda. Il avait salué aussi en juillet 2022 le soutien de la Chine au Conseil de sécurité pour la levée de la notification d’armes de la RDCongo.
A l’issue de la visite en Chine, les Chefs d’Etat ont ainsi décidé d’intensifier les échanges entre les deux armées et de renforcer la coopération notamment dans le domaine des équipements et technologie et de l’industrie militaire. Alors que la coopération militaire entre les Etats-Unis et le Rwanda, ainsi que l’Union Européenne et le Rwanda s’est intensifiée malgré les demandes répétées du peuple congolais de mettre fin au renforcement militaire du Rwanda, l’accord entre la RDCongo et la Chine ont porté sur un partenariat militaire pour le respect de l’intégrité territoriale de la RDCongo.
La réaffirmation de la coopération Sud-Sud
Les deux présidents ont marqué aussi cette visite par une volonté renforcée à la coopération Sud-Sud en exprimant leur détermination à sauvegarder les intérêts communs des pays en développement et en soutenant le véritable multilatéralisme s’opposant de cette manière à la stratégie unipolaire et guerrière des Etats-Unis. Par ailleurs, ils se sont félicités de la mise en place du Groupe des amis de l’Initiative pour le développement mondial (IDM) au sein des Nations-Unies et dans lequel les pays du Sud ont principalement adhérés (bien qu’ouvert à tous), la RDCongo en faisant partie. Le Groupe des Amis de l’IDM a été lancé en janvier 2022, ainsi l’ancien vice-président de la Commission de l’Union africaine, Erastus Mwencha, avait déclaré que « l’IDM est vitale pour l’Afrique et même pour le monde entier, ajoutant que la coopération et le dialogue sont les meilleurs moyens de résoudre les problèmes mondiaux ».
[1] Déclaration conjointe entre la Chine et la RDC sur l’établissement d’un partenariat stratégique global. Accessible ici.
[2] « La RDC a été valablement représentée en Turquie au Congrès du Cobalt par Madame la Ministre des Mines Antoinette Nsamba Kalambayi », 17 mai 2023. Accessible ici.
[3] Banque Centrale du Congo, condensé d’informations statistiques, N°1/2023, 6 janvier 2023.
[4] Memorandum of understanding among the United States of America, the Democratid Republic of the Congo, and the Republic of Zambia concerning support for the development of a value chain in the electric vehicle battery sector. Accessible ici.