Nul besoin de le prouver, l’impact de la pandémie du Covid-19 est très inégal à travers le monde. Les capacités insuffisantes de nombreux états à combattre cette crise et l’état souvent lamentable de leur système de soins provoquent bien des souffrances. Deux états, l’Iran et le Venezuela, sont confrontés dans leur lutte contre l’épidémie à deux obstacles supplémentaires, à savoir le régime de sanctions imposé par les USA et l’influence nord-américaine sur le FMI. Il est terrible de constater qu’en ces temps inouïs, le gouvernement des USA maintient ses mesures draconiennes pour arriver à son objectif : renverser les régimes de Caracas et Téhéran.
Le régime de sanctions est étouffant
Cela fait longtemps déjà que les économies en Iran et au Venezuela souffrent sous le poids des sanctions nord-américaines. Ces sanctions fonctionnent de façon double, ce qui fait que ces pays avaient déjà un grand retard dès le début de leur lutte contre le fameux virus. Tout d’abord, les sanctions entravent le secteur de l’exportation dans les deux pays, en particulier l’exportation de pétrole et de gaz. La diminution des revenus de l’exportation affaiblit le budget disponible pour les soins de santé et rend plus élevé le taux de change des devises étrangères pour l’achat de matériel médical et de médicaments. Ce qui cause d’importantes pénuries de kits de tests, de matériel médical de protection et de respirateurs.
En plus des problèmes d’exportation, il y a aussi de fortes entraves à l’importation. Les entreprises et les banques qui ont des liens commerciaux avec l’Iran et le Venezuela, risquent de recevoir des Etats-Unis une note bien salée pour ce non-respect des directives des sanctions. Les sanctions prévoient des exceptions pour des objectifs humanitaires. Mais cela reste suffisamment vague pour que banques et entreprises ne prennent pas de risques et préfèrent renoncer à tout financement du secteur humanitaire.
D’un point de vue humanitaire, la seule démarche juste serait de lever ces sanctions unilatérales pour ne pas aggraver encore les souffrances de populations déjà lourdement touchées. La pression dans ce sens ne vient pas seulement de l’extérieur – notamment des Nations Unies, de Chine et de Russie – que de l’intérieur, des Etats-Unis où de nombreux sénateurs et membres du congrès plaident pour un allègement. Joe Biden, le candidat démocrate aux élections présidentielles, a déclaré qu’un allègement temporaire des sanctions constitue un devoir moral. L’Union Européenne a livré entretemps du matériel médical à l’Iran grâce au mécanisme Instex, mis en œuvre après l’échec de l’accord nucléaire pour passer outre la sanction nord-américaine.
La pression de l’Occident pour alléger les sanctions n’est évidemment pas sans arrière-pensée. Un virus ne tient pas compte des frontières nationales. Une propagation du Covid-19 dans le Moyen-Orient mettrait en danger la stabilité d’une région déjà extrêmement instable, ce qui ne fait les affaires de personne. Et l’Union Européenne, géographiquement plus proche de l’Iran que les USA, préfère éviter un foyer d’infection en Iran.
Par ailleurs, la négation de cette crise par l’Occident met sous pression de futures relations politiques. Cela rend plus difficile, pour les gouvernements de Caracas et de Téhéran, d’établir des relations politiques crédibles avec l’Occident, qui pour le moment n’a pas l’air de s’y intéresser. La crédibilité de l’Occident aux yeux de la population en diminue encore, ce qui n’est certainement pas bon pour les intérêts occidentaux, étant donné que d’autres acteurs pourraient remplir le vide.
Malgré cette pression externe et interne, les USA n’ont pas l’intention d’alléger les sanctions, comme l’indique cette déclaration de Brian Hook, délégué spécial aux affaires iraniennes au sein du gouvernement des États-Unis : « L’Iran dépense des milliards pour le terrorisme et les guerres à l’étranger, et s’il n’en dépensait qu’un dixième pour un meilleur système de santé, le peuple iranien s’en porterait beaucoup mieux », et il ajoutait encore « Le coronavirus ne vous sauvera pas des sanctions. ». C’est là une nouvelle preuve de l’arrogance incroyable du pouvoir nord-américain que de déclarer qu’un pays devrait être plus efficace dans le domaine de ses moyens alors qu’eux-mêmes sont durement touchés par la crise en raison d’une mauvaise gestion de leur système de soins.
Mike Pompeo, ministre des affaires étrangères, avoue qu’il ne voit pas où est le problème par rapport aux exceptions pour les objectifs humanitaires. Comme indiqué plus haut, celles-ci ne sont pas vraiment concluantes pour convaincre banques et entreprises de franchir ce pas. Trump lui aussi a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’était pas question d’alléger les sanctions. « Si le Venezuela et l’Iran veulent que les USA les aident, ils n’ont qu’à le demander », a déclaré Trump, et il estime que c’est sa responsabilité humanitaire que d’y répondre. Se mettre à genoux devant l’ennemi est une humiliation à laquelle ni Caracas ni Téhéran ne peuvent se résoudre.
Influence nord-américaine sur le Fonds Monétaire International (FMI)
A ce régime contraignant des sanctions s’ajoute l’influence des Etats-Unis sur l’attribution éventuelle de prêts d’urgence consentis par le FMI. L’Iran comme le Venezuela se sont adressés au FMI pour un prêt de 5 milliards de dollars.
Le Venezuela s’est tout de suite vu rabrouer parce que, selon le FMI, il ne serait pas clair qui est à la tête du pays, Juan Guaidó ou Nicolas Maduro. Or, cette situation d’incertitude a été créée par les Etats-Unis, qui ont reconnu la légitimité de Juan Guaidó, président autoproclamé, suivis en cela par de nombreux pays d’Amérique Latine et l’Union Européenne. Les conséquences s’en font à présent sentir sur les finances, pourtant indispensables pour lutter contre le corona.
Le prêt d’urgence en faveur de l’Iran doit être approuvé par le conseil d’administration du FMI. Les Etats-Unis y pèsent le plus et sont prêts à mettre tout leur poids dans la balance pour bloquer ce prêt. Pour eux, l’Iran sponsorise le terrorisme, et de ce point de vue étriqué, ils ne peuvent faire autrement que d’utiliser leur droit de veto. Mike Pompeo est bien entendu convaincu que Téhéran ne consacrera pas ces fonds à combattre le virus mais à créer des armes de destruction massive et à financer des activités terroristes. Un pareil parti pris de la part de Pompeo peut se comparer à une arme de guerre.
Au sein du FMI il y a beaucoup de soutien en faveur d’un prêt à l’Iran, notamment de la part de l’UE. On serait en train, derrière les écrans, à mettre en place un contournement du veto nord-américain pour pouvoir accorder ce prêt. Les USA ne s’y opposeraient pas pour ne pas se retrouver isolés sur la scène internationale. Mais avec un président narcissique, on ne peut jamais savoir ce qui va se passer.
Une politique sinistre
En pleine crise sanitaire globale, on voit d’autant plus clairement quels dommages la politique étrangère des Etats-Unis inflige aux populations des états déjà affaiblis. L’attitude des Etats-Unis témoigne d’un usage abusif totalement inhumain de leur position de force, ceci pour rester attachés à leurs sanctions strictes afin d’arriver à leurs objectifs, alors que l’on vit une crise sanitaire inédite. Priver des pays des fonds indispensables pour combattre une pandémie constitue une violation grave des droits humains et un crime de guerre. Les forces militaires visibles sont pour le moment repoussées à l’arrière-plan et remplacées par des armes moins visibles, comme celles des sanctions et d’un blocage des prêts. Nous lançons un appel pour un arrêt immédiat des sanctions et du blocage de prêts indispensables afin de donner de l’oxygène, au propre et au figuré, au peuple qui en paie les frais.
>> Signez ici pour appeler le gouvernement Wilmès à utiliser son siège au Conseil de sécurité des Nations unies pour plaider d’urgence en faveur de la levée de toutes les sanctions !
Article de Timothy DR., traduit par Claire O.