Article écrit pas Nicolas Pierre, activiste paix pour intal.
Cela fera bientôt dix mois que la guerre en Ukraine a pris un tournant explosif avec l’invasion russe de février. Alors que les lignes de front semblent moins évoluer et ne font plus les Unes des journaux télévisés chaque soir, les conséquences de cette guerre n’ont jamais été aussi perceptibles.
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La souffrance humaine
Les estimations fiables sont rares et partielles, et les chiffres actuels indiquent environ 200 000 soldats tués ou gravement blessés, côtés russe et ukrainien compris et environ 40 000 civils. Ceux-ci s’additionnent aux 13 000 morts dans le conflit entre 2014 et 2022 entre séparatistes du Donbass et forces régulières ukrainiennes dont 3 000 étaient des civils. Si bien sûr la plupart de ces morts sont Russes ou Ukrainiens, les victimes commencent à tristement « s’internationaliser » (civils polonais tués par un missile ukrainien à la frontière, combattants étrangers intégrés aux forces russes ou ukrainiennes…).
Au-delà des victimes directes, la destruction économique de l’Ukraine, la destruction par l’armée russe des réseaux électriques et l’approche de l’hiver, dans un pays déjà structurellement pauvre (1), frappé par la corruption et disposant d’une faible couverture sociale, laisse craindre le pire.
Conséquences de 10 mois de guerre en Ukraine
En Europe, la crise énergétique et plus généralement la hausse de tous les prix de consommation plongent dans la pauvreté des pans entiers de la population. La guerre en Ukraine est loin d’être la première ou unique cause de cela. Loin des discours de dirigeants de la Commission Européenne qui proposaient de « renvoyer la facture énergétique à Poutine » et éviter ainsi d’aborder les surprofits exorbitants des géants de l’énergie, la guerre a malgré tout un effet de déstabilisation et d’incertitude sur les marchés, qui tirent les prix à la hausse et empêchent un retour à la normale.
Ailleurs dans le monde, il s’en est fallu de peu que les blocages d’exportations d’engrais et de produits agricoles liés à la guerre et aux sanctions ne plongent de nombreux pays du Sud dans la famine. Cette situation n’a pu être que temporairement évitée grâce à l’accord d’exportation du blé ukrainien négocié par la Turquie et l’assouplissement de certaines sanctions sur l’engrais.
Enfin, la menace d’une guerre nucléaire s’est faite presque habituelle, avec des inquiétudes sur l’implication de pays membres de l’OTAN (à la frontière polonaise) et les menaces émises par les autorités russes. Le risque d’usage d’une arme nucléaire n’a plus été aussi élevé depuis des décennies, et les processus de contrôles des armements nucléaires connaissent une impasse de par le blocage conjoint des gouvernements russe et états-unien.
De l’urgence des négociations de paix
Ces conséquences sur les produits agricoles, sur les prix de l’énergie ou encore sur la menace nucléaire ont déjà poussé de nombreux dirigeants à prendre position pour une issue diplomatique à cette guerre.
Il y a quelques mois, le président argentin déclarait « cette guerre déclenche la famine dans l’hémisphère Sud et n’est pas une guerre des pays du Nord, mais aussi des pays du Sud » et a réclamé l’ouverture de négociations. En septembre, à la dernière Assemblée des Nations Unies, plus de soixante chefs d’État ont réclamé à la tribune la tenue de pourparlers, parmi lesquels le Portugal, le Vatican, l’Inde ou encore le Brésil.
Des négociations de désescalade et de cessez-le-feu ont déjà pris place dans des contextes infiniment plus tendus. Lors de la guerre froide, les Accords d’Helsinki (1975) ont été négociés entre les pays occidentaux et les pays du Pacte de Varsovie, donc entre “l’Ouest et l’Est” alors que des décennies d’opposition idéologique, politique et militaire les séparaient. Ces accords ont permis des garanties de sécurité majeures pour l’ensemble du globe, et aux Etats de se concentrer davantage sur la résolution des problèmes sociaux de leurs pays, plutôt qu’au surarmement et à la compétition militaire. La crise des missiles de Cuba en 1962 a également pu être résolue grâce à des concessions faites par les deux camps (USA et URSS), et ainsi éviter une apocalypse nucléaire.
Le rôle de l’Europe
Le rôle de l’Europe dans la perpétuation du conflit ou dans sa résolution est primordial. Même si ce sont les Etats-Unis qui fournissent la plus grosse partie des livraisons d’armes et des aides financières, c’est sur le sol européen que se déroule le conflit et ce sont les gouvernements européens qui pèsent dans les questions clefs qui intéressent les gouvernements à Kiev comme à Moscou (adhésion à l’Union européenne ou à l’OTAN, accords économiques, maintien ou levée des sanctions, transit d’armes, garanties de sécurité…). C’est exactement pour cette raison que les Etats-Unis tiennent à maintenir les Etats européens “unis derrière l’Ukraine”, c’est-à-dire en pratique unis derrière leur stratégie qui, depuis Washington, décide de ce qui doit se passer sur notre continent. Ainsi, des commentateurs politiques aux think-tanks atlantistes (Carnegie, Foreign Affairs…), une inquiétude croissante se fait sentir face à la “possibilité de négociations”.
Ne nous trompons pas, aucun gouvernement européen ne brisera spontanément la discipline imposée par Washington sur ce qu’il doit advenir de ce conflit. Les faucons états-uniens ont un intérêt économique, politique et militaire à escalader et faire perdurer le conflit. Pas nous. Nos gouvernements européens n’élèveront la voix que grâce à la pression de leurs opinions publiques. Ainsi, le gouvernement italien était le premier à proposer un “plan de paix et de négociation” il y a quelques mois. Ceci n’était pas un hasard ou une grandeur d’âme de leur part, mais une réaction à une opinion publique de plus en plus favorable à la paix, et à des mobilisations qui se sont maintenues jusqu’à une manifestation de près de 100 000 personnes qui s’est tenue à Rome il y a quelques semaines. Ainsi, sous la pression des opinions publiques, les gouvernements européens peuvent se voir forcés de sortir du suivisme envers les États-Unis. Construire une Europe non-alignée est une tâche essentielle du mouvement pour la paix, y compris en Belgique.
“Negotiate Peace” avec intal
Combattre la propagande pro-guerre, faire progresser les idées pacifistes dans la société, aller à l’encontre des intérêts du complexe militaro-industriel… tout cela nécessite d’organiser des mobilisations larges et déterminées, pour construire une pression sur notre gouvernement à notre niveau.
C’est la raison pour laquelle Intal lancera dans les mois à venir une grande campagne “Negotiate Peace” appelant le gouvernement belge à se positionner en faveur de négociations le plus rapidement possible. Cette campagne nationale sera lancée à Bruxelles le 20 janvier lors d’un événement de lancement dont les informations suivront. Si vous voulez vous joindre à notre mouvement et à la campagne belge pour la paix en Ukraine, contactez Intal !
https://www.codepink.org/un_general_assembly_calling_for_a_negotiated_peace_in_ukraine
https://www.osce.org/fr/magazine/174421