Auteurs : Nicolas Pierre, Emiel Winnelinckx
- Qu’est-ce que l’OSCE?
L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe est un organisme réunissant 57 pays, principalement occidentaux, dont les USA et la Russie. Fondée en pleine guerre froide, son but est de créer une « table de discussion » afin de préserver ou implémenter la paix en Europe dans un contexte de course aux armements entre les deux blocs rivaux.
L’OSCE a donc l’ambition de servir de forum de sécurité et de coopération sur un territoire très large, et avec la présence de nombreuses puissances globales ou régionales et de points de tensions géopolitiques. Pour ses fonctions, l’OSCE se structure autour de “trois dimensions”: la première, politico-militaire (prévention des conflits, inspections d’armement, respect des cessez-le-feu…), la seconde, économique et environnementale (coopération scientifique, sécurité énergétique…), et enfin la troisième au sujet des droits humains (respect des droits de l’homme, monitoring d’élections…). En plus d’un secrétariat général et de commissions installés à Vienne, l’OSCE dispose de missions de terrain actives en Europe occidentale comme orientale, dans le Caucase et en Asie centrale. Depuis 1991, l’OSCE dispose également d’une Assemblée parlementaire, rassemblant 323 parlementaires issus des parlements nationaux des 57 États membres.
L’OSCE se structure autour de deux textes, non contraignants mais signés par les gouvernements des États membres : l’Acte final d’Helsinki (1975), complété par la Charte de Paris (1990). En voici les principes fondamentaux, largement superposables à la Charte des Nations unies :
- l’égalité souveraine entre les États, le respect des droits inhérents à cette souveraineté ;
- le non recours à l’usage de la force ou à la menace de celui-ci ;
- l’inviolabilité des frontières ;
- l’intégrité territoriale des États ;
- le règlement pacifique des différends ;
- la non-intervention dans les affaires intérieures ;
- le respect des droits humains et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance ;
- l’égalité des droits et le droit à l’autodétermination des peuples ;
- la coopération entre États ;
- l’exécution de bonne foi des obligations découlant du droit international
- OSCE et Ukraine : Difficultés et possibilités
Il ne faudrait pas transmettre une illusion sur une organisation qui représenterait une solution miracle. Il faut cependant se pencher sur chaque piste, chaque possibilité, afin d’en évaluer les avantages et inconvénients.
Premièrement, l’OSCE envisage la sécurité dans un cadre plus large sur le plan qualitatif (en allant plus loin que l’aspect strictement militaire) et sur le plan géographique, avec le concept de “sécurité collective”. Celle-ci peut se résumer par cet extrait : “Aucun État ne renforcera sa sécurité aux dépens de la sécurité des autres États”
En effet, l’objectif n’est pas la sanctuarisation d’un territoire donné (comme une alliance qui serait réellement limitée à la défense mutuelle pourrait le faire, sur un modèle : touchez-moi et vous verrez). L’objectif est de construire une sécurité entre États et puissances rivaux, qui ne sont pas et ne seront pas prochainement alliés. Il est plus facile de construire une alliance hégémonique entre pays déjà alliés (si pas vassaux) que de construire quelque chose entre rivaux. Ainsi, l’OSCE ambitionne de couvrir une zone vaste qui englobe réellement les théâtres de conflits, et non un seul “camp”.
De plus, l’OSCE se donne pour compétences des dimensions bien plus vastes de la sécurité : la sécurité énergétique (d’approvisionnement mais aussi de gestion des accidents), le contrôle de l’armement ou encore la gestion des réserves en eau. Toutes ces questions sont absolument vitales pour tout le monde, en particulier à l’heure du changement climatique et des crises économiques qui surviennent, mais tout particulièrement pour l’Ukraine. La question de l’approvisionnement en eau de la Crimée, le problème de la sécurité des installations nucléaires comme le contrôle des armements et des missiles déployés de part et d’autre sont des questions absolument clés. Ces questions ne se règlent pas en appartenant ou non à l’OTAN, et intéressent la sécurité de tous les pays de la région.
Deuxièmement, si l’OSCE n’a joué sur le plan diplomatique qu’un rôle marginal ces dernières années dans le conflit ukrainien (nous y revenons plus bas), elle dispose d’une expertise technique majeure et d’un historique d’exploits diplomatiques.
Historiquement, l’OSCE a contribué à l’architecture de sécurité en particulier autour de la chute du bloc soviétique et des bouleversements majeurs qui ont suivi. En 1990, le Document de Vienne permet une coopération sur le contrôle d’armements. Deux ans plus tard, il est intégré au Traité sur les Forces armées conventionnelles en Europe (FCE). En 2002, c’est le traité “Ciel ouvert” qui autorise la reconnaissance aérienne mutuelle non armée.
Nous voyons que ces acquis sont fragiles : En 2020, les États-Unis se retirent du traité “Ciel ouvert”, suivis par la Russie en 2021. Avant cela, en 2018 D. Trump sortait les États-Unis du traité sur les forces nucléaires intermédiaires; la Russie en sortait en 2015 les États-Unis se retiraient du traité ABM en 2002.
Troisièmement, l’OSCE dispose d’une expérience technique majeure, notamment de par sa “mission spéciale d’observation en Ukraine” (MSO) lancée dès 2014. Déjà par le passé, elle intervenait régulièrement en Ukraine (validant par exemple les élections présidentielles de 2010). Cette mission d’observation est la plus importante mission de terrain de l’OSCE, avec un budget annuel de plus de 100 millions d’euros, un personnel de 1300 personnes dont 689 observateurs de 43 pays différents. Notons également une mission présente en Moldavie, où les tensions avec l’enclave russe de Transnistrie menacent le pays et où une extension du conflit est à craindre. Enfin, malgré un caractère précaire et temporaire, plusieurs cessez-le-feu entre séparatistes du Donbass et armée ukrainienne ont pu être obtenus dans le cadre de l’OSCE.
Au cours de la mission d’observation en Ukraine et en particulier ces deux dernières années, la Russie s’est montrée très critique de la mission d’observation, l’accusant d’impartialité. Certaines incohérences entre les chiffres de la mission et ceux du Haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies ont aggravé les dissensions, de même que les actions offensives de la Russie. Cette disparition de l’accord portant sur la mission d’observation a abouti au non renouvellement, sur veto de la Russie (les décisions de l’OSCE sont toujours prises à l’unanimité) de la mission d’observation (qui s’est donc achevée le 31/03/2022). De même que comme plateforme de négociation de désescalade ou de contrôle des armements, la mission de l’OSCE en Ukraine est difficile. La présidence actuelle de l’OSCE (par l’ancien ministre des affiares étrangères polonais, Zbigniew Rau, très hostile à la Russie, ne permettra probablement pas d’en faire le lieu exclusif des négociations. Mais celles-ci prennent déjà place ailleurs, avec des acteurs inattendus et où les pays européens sont aux abonnés absents.
Ainsi des pays aux intérêts et natures si différents qu’Israël, la Chine et la Turquie ont entamé des actions de médiation. C’est avec cette dernière que les progrès ont été le plus notables, mais avec un arrêt brutal après la diffusion des images de Boutcha et de nombreuses difficultés non tranchées (quelle définition de la neutralité, quelles garanties mutuelles de respect des accords etc.).
- Investir dans la diplomatie plutôt que dans la guerre
En 2020, des dizaines d’anciens dirigeants de l’OSCE et de parlementaires ont publié un “call for action”, pour appeler au retour de l’OSCE sur la scène diplomatique. En effet, cette dernière a été souvent mise de côté ou contournée au profit de dialogues OTAN-Russie ou OTAN-USA, et son financement s’est vu également limité.
Ce manque d’investissement, politique comme financier, s’insère dans une logique d’escalade militaire constante. Tous les occidentaux acceptent pour l’instant d’augmenter leurs budgets militaires, et les initiatives diplomatiques européennes sont rares.
Pire, la stratégie américaine semble tout à fait se satisfaire d’une escalade tant en intensité qu’en étendue dans le conflit : décision de J. Bident d’accorder 33 milliards de dollars à l’Ukraine (dont 20 milliards pour l’armement, c’est-à-dire autant que le budget annuel de l’armée israélienne), et son secrétaire d’État A. Blinken a déclaré soutenir l’Ukraine si elle décidait de frapper des cibles sur le sol russe.
Au niveau de notre pays, le gouvernement a pour l’instant décidé de s’engager pleinement dans l’escalade (augmentation des budgets militaires, réaffirmation du soutien à l’OTAN et sa stratégie) et n’a pris aucune initiative de médiation. La Belgique, malgré son histoire de pays de neutralité et son expérience diplomatique, ne fait que décliner la stratégie atlantiste.
Il est indispensable de construire un mouvement large qui permette de contredire la rhétorique guerrière, et de donner la priorité aux budgets sociaux et écologiques plutôt qu’à l’armement. De même, la Belgique devrait porter une voix de diplomatie plutôt que de confrontation entre Occident et Russie.
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En 2021, les mouvements pacifistes belges et plus largement européens organisent des manifestations contre la militarisation de l’Europe, notamment l’augmentation des dépenses militaires imposées par l’OTAN et la course aux armements nucléaires. Le sommet de la paix qui se tient à Madrid en juin 2022 s’inscrit dans la continuité de ces mobilisations entamées au milieu de la pandémie.
La déclaration du Sommet de la Paix de Madrid est le résultat des efforts communs des mouvements sociaux et pacifistes, des syndicats et des organisations politiques. Le Sommet de la Paix combine les revendications de la lutte contre l’OTAN et pour un système de sécurité non militaire, sans armes nucléaires, sans bases militaires à l’étranger et l’investissement des dépenses militaires actuelles dans la sécurité sociale et la justice climatique mondiale.
Unissons nos forces dans la lutte pour la paix, la justice environnementale et sociale !
Nous appelons les citoyens et les associations à s’opposer au prochain sommet de l’OTAN à Madrid en juin 2022 et à montrer que nous rejetons la guerre et le militarisme.
Nous vous invitons à rejoindre nos actions !